Syndrome du tunnels carpien,
épicondylite et travail : point de vue du
rhumatologue
D. Van Linthoudt, Service de rhumatologie,
médecine physique et réhabilitation
Hôpital, 2300 La Chaux-de-Fonds
La douleur et les troubles sensitifs des membres
supérieurs sont rapportés dans la population
en âge de travailler avec une prévalence
variant de 3 à 44 %. La fréquence du syndrome
du tunnel carpien (STC) serait proche de 1%; celle des
épicondylalgies (EP) atteindrait globalement 2%. Chez
les travailleurs manuels, ces affections seraient
jusqu'à 10 fois plus fréquentes. Elles ont
été décrites chez les ouvriers
utilisant des engins vibrants, effectuant des efforts
prolongés de préhension des mains ou
répétés de flexion-extension des
poignets pour le STC et de rotation des poignets pour les
EP. Le STC a également été
rapporté avec une fréquence augmentée
chez les personnes travaillant en chambre froide notamment
à la découpe de viande congelée. Ces
affections par surcharge des membres supérieurs
peuvent être associées et une
bilatéralité de l'atteinte n'est pas rare,
surtout pour le STC.
Le paradoxe apparent entre une augmentation du nombre de
patients alors que la charge au travail a tendance à
devenir plus légère peut s'expliquer de
différentes façons. De nouvelles professions
sont incriminées. C'est le cas des hygiénistes
dentaires, des ouvriers effectuant de l'assemblage
électronique, des personnes utilisant un ordinateur
de manière prolongée y compris les
secrétaires, infirmières et radiologues. Dans
ces activités non lourdes, un décalage entre
la commande motrice, l'exécution du mouvement et le
contrôle visuel serait responsable d'un
dysfonctionnement du système nerveux central.
D'autres facteurs, surtout psycho-sociaux sont
également incriminés. La monotonie du travail,
le stress, la stimulation exagérée à la
productivité, le manque de soutien des
collègues et de dialogue avec la hiérarchie
seraient impliqués dans ces pathologies. Ces facteurs
prolongeraient également l'évolution.
Accorder trop d'importance aux facteurs professionnels
n'est pas conseillé. Si une optimalisation de
l'ergonomie au travail est recommandée, insister sur
les risques encourus par le travailleur peut focaliser
celui-ci sur une origine professionnelle à ses
symptômes, ce qui constitue déjà une
tendance naturelle alors que le travail n'est pas toujours
en cause. Même chez le travailleur de force, une
origine endocrinienne, rhumatismale, tumorale ou anatomique
ou des dépôts microcrostallins ou
amyloïdes doivent être envisagés.
En pratique, le praticien doit d'abord confirmer le
diagnostic par l'anamnèse (localisation des douleurs,
allure mécanique et parfois inflammatoire des
symptômes) et l'examen clinique (Tinel et Phalen pour
le STC; douleurs à la pression et aux mouvements
contrariés pour les EP). Le diagnostic
différentiel est large et comprend d'une
manière non exhaustive les douleurs irradiées,
névralgies suspendues, une affection osseuse ou
musculaire. La radiographie standard objective parfois une
érosion sous les insertions tendineuses
(spondylarthropathie) ou des dépôts
microcristallins, une arthrose ou une lésion osseuse
sous-jacente. L'échographie peut objectiver la
neuropathie compressive et l'enthésite. L'imagerie
par résonance magnétique et l'EMG peuvent
confirmer le diagnostic en cas de doute. Ce dernier examen
est indispensable si une intervention chirurgicale est
envisagée pour une EP afin d'exclure une neuropathie
compressive du nerf ulnaire ou de la branche profonde du
nerf radial sous l'arcade de Frohse. Les traitements font
appel aux AINS et antalgiques par voie
générale, infiltrations locales, techniques
physiques et ergothérapeutiques. La chirurgie est
parfois nécessaire mais son indication doit tenir
compte de l'évaluation globale du patient.
|